Vers une Suisse plus connectée : un plan national pour accélérer l’adoption de l’IA dans les PME

Ecrit par Arnaud Decurninge 21 août 2025

En Suisse, l’intelligence artificielle progresse rapidement dans la recherche académique, les centres d’innovation et les grandes entreprises actives dans des secteurs comme la finance, la santé ou l’industrie de pointe. Les hautes écoles, telles que l’EPFL et l’ETH Zurich, ainsi que des hubs technologiques comme Trust Valley ou Swiss Digital Network, développent déjà des projets d’IA à portée internationale. Pourtant, son adoption reste encore limitée dans les petites structures, artisans, professions libérales et PME, qui représentent plus de 99 % du tissu économique helvétique et génèrent une part majeure de l’emploi.

Pour combler ce retard et encourager une diffusion plus équilibrée des usages, la Confédération, en partenariat avec les cantons, les chambres de commerce et des acteurs privés, prépare une initiative nationale calquée sur l’esprit de « Osez l’IA » mais spécifiquement adaptée aux réalités suisses. L’objectif est de lever les freins liés au coût, au manque de formation et à la méconnaissance des cas d’usage concrets, tout en tenant compte des particularités fiscales, réglementaires et linguistiques du pays. Ce programme prévoit notamment un accompagnement personnalisé, un soutien financier modulé selon la taille de l’entreprise et un maillage territorial garantissant un accès aux ressources, quel que soit le canton.

Pourquoi un plan IA suisse ?

Selon les dernières données publiées par l’Office fédéral de la statistique (OFS) et l’association digitalswitzerland, moins d’une PME sur cinq en Suisse utilise de manière régulière des outils d’intelligence artificielle, qu’il s’agisse d’automatiser certaines tâches, d’analyser des données ou d’améliorer le service client.

Ce taux d’adoption reste inférieur à la moyenne européenne, alors même que le pays dispose de pôles technologiques de premier plan, notamment à Zurich, Lausanne et Bâle.

Cette situation reflète un décalage entre l’excellence en recherche et développement, largement portée par les hautes écoles et les grandes entreprises, et la réalité des petites structures qui forment pourtant l’écrasante majorité du tissu économique national.

Pour comprendre comment l’IA peut aussi devenir une source de revenus pour ces acteurs, voir Comment monétiser votre technologie d’intelligence artificielle : débloquer le potentiel de profit.

Objectifs à l’horizon 2030

L’ambition affichée par la Confédération est de combler le retard actuel en matière d’adoption de l’intelligence artificielle dans les petites et moyennes structures tout en consolidant la position de leader technologique du pays sur la scène internationale.

Ce plan ne se limite pas à un simple soutien financier, il s’inscrit dans une vision globale de modernisation de l’économie suisse, visant à rendre l’IA accessible, compréhensible et utile à tous les secteurs, qu’il s’agisse de l’industrie manufacturière, des services financiers, de la santé, de l’artisanat ou encore du tourisme.

Les autorités fédérales, en collaboration avec les cantons et les acteurs économiques, ont ainsi fixé des objectifs chiffrés et ambitieux à atteindre d’ici 2030 : 

  • 80 % des PME suisses intégrant des solutions d’IA dans leurs processus
  • 100 % des grandes entreprises utilisant l’IA de façon opérationnelle
  • Au moins 50 % des micro-entreprises et indépendants équipés d’outils adaptés

Atteindre ces objectifs nécessitera un effort coordonné entre les pouvoirs publics, les organisations professionnelles, les milieux académiques et les fournisseurs de solutions technologiques.

L’enjeu ne réside pas seulement dans l’acquisition d’outils, mais aussi dans leur intégration intelligente aux pratiques existantes, afin d’optimiser la productivité, réduire les coûts, améliorer la qualité des services et renforcer la compétitivité globale de l’économie suisse face à ses concurrents européens et mondiaux.

Pour les entreprises en création ou en structuration, ce plan pourrait s’articuler avec les dispositifs déjà en place, comme ceux décrits dans notre guide Comment créer une Société Anonyme (SA) en Suisse : étapes clés, coûts et conseils pratiques, et les solutions d’accompagnement proposées par une fiduciaire.

Trois leviers d’action

Sensibilisation et accompagnement :

La stratégie prévoit un maillage territorial complet avec l’organisation d’événements dans chaque canton, tels que des salons spécialisés, ateliers pratiques ou cafés IA, pour permettre aux dirigeants de découvrir et tester les solutions.

Des cas d’usage concrets, directement liés aux secteurs phares du pays, santé, horlogerie, finance, logistique ou agriculture de précision, seront mis en avant.

Les chambres cantonales de commerce, associations professionnelles et hautes écoles spécialisées auront un rôle clé dans cette diffusion.

Formation et compétences :

Le plan inclut la création d’une Académie suisse de l’IA en ligne, proposant des cours et certifications en français, allemand, italien et anglais.

Ces programmes, soutenus par Innosuisse et partiellement financés par des crédits fédéraux ou cantonaux, visent aussi bien la formation initiale que la formation continue.

L’IA sera intégrée dans les cursus des écoles professionnelles, des hautes écoles spécialisées et des programmes de reconversion.

Soutien financier et innovation :

Un fonds d’innovation IA de 200 millions CHF, cofinancé par la Confédération et le secteur privé, viendra appuyer le déploiement des technologies.

Des subventions couvrant jusqu’à 40 % des coûts permettront aux PME de réaliser des audits IA et de définir une feuille de route adaptée.

Enfin, des projets à forte valeur ajoutée, en particulier dans la transition énergétique, la santé et la mobilité, seront encouragés par des appels à projets ciblés.

Mise en œuvre sur le terrain

Pour garantir un impact réel et mesurable, le programme repose sur un dispositif de proximité. Un réseau national d’ambassadeurs IA sera constitué, composé de chefs d’entreprise, d’experts sectoriels, de chercheurs et de représentants d’associations professionnelles. Leur mission sera d’illustrer de manière concrète les bénéfices de l’intelligence artificielle pour chaque secteur d’activité, en adaptant les exemples et démonstrations aux réalités locales — par exemple, optimisation de la gestion des stocks dans l’horlogerie, maintenance prédictive dans les transports publics ou analyse automatisée des images médicales en radiologie.

Les cantons joueront un rôle clé dans la coordination et le suivi du programme. Chacun disposera d’un calendrier d’actions précisant les événements à organiser, les formations à mettre en place et les partenariats à activer avec les chambres de commerce, hautes écoles spécialisées et clusters technologiques. Des objectifs mesurables seront définis canton par canton, avec un suivi annuel pour évaluer la progression en matière d’adoption et d’utilisation de l’IA.

Pour encourager la participation, les autorités prévoient également la mise en place de points de contact locaux dédiés à l’IA, afin que les entreprises, quelle que soit leur taille, puissent bénéficier d’un accompagnement personnalisé, d’un diagnostic rapide et de recommandations concrètes pour intégrer l’IA dans leurs opérations.

Les entreprises qui souhaitent intégrer l’IA dans leur gestion quotidienne pourront aussi se tourner vers des solutions plus larges, comme celles décrites dans 7 meilleurs outils d’aide à la décision devraient être une alternative à ChatGPT, ou optimiser leur administration via la gestion des salaires en Suisse.

Impact attendu

À terme, cette initiative a pour ambition de positionner la Suisse comme l’un des pays les plus avancés en matière d’adoption de l’intelligence artificielle dans l’ensemble de son tissu économique. En favorisant l’intégration de solutions adaptées à la taille et aux besoins de chaque entreprise, le plan entend renforcer la compétitivité suisse sur les marchés internationaux, notamment face aux pays européens et nord-américains qui investissent massivement dans l’IA.

L’un des enjeux majeurs est de réduire le fossé numérique qui sépare aujourd’hui les grandes entreprises, déjà familiarisées avec ces technologies, et les PME ou micro-structures, souvent freinées par un manque de ressources ou de compétences. La démarche mise sur la proximité géographique, le multilinguisme et la diversité sectorielle pour toucher un maximum d’acteurs, qu’ils évoluent dans l’industrie, les services, l’artisanat ou l’économie sociale.

En parallèle, le programme pourrait stimuler la création d’emplois qualifiés dans les domaines de la data science, du développement logiciel et de la cybersécurité, tout en encourageant l’émergence de nouvelles start-up suisses spécialisées dans l’IA. Ce déploiement progressif, associé à un accompagnement personnalisé, devrait permettre à la Suisse de s’imposer comme un modèle d’intégration pragmatique et durable de l’IA, conciliant innovation technologique, compétitivité et respect de ses spécificités économiques et culturelles.

Réduire le fossé numérique entre grandes entreprises et PME/micro-structures est un objectif central, tout comme garantir que la transformation numérique s’opère dans le respect des lois suisses en matière de protection des données.