Obligations de transparence en Suisse : enjeux pour les PME

Depuis 2023, la Suisse renforce progressivement les obligations de transparence applicables aux entreprises. Ces mesures visent à améliorer la gouvernance, la traçabilité financière et la conformité avec les standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment, de protection des données et de responsabilité sociale. En 2025, ces règles concernent de plus en plus les petites et moyennes entreprises, y compris celles non cotées en bourse. Pour les dirigeants de PME, il ne s’agit plus seulement d’une contrainte administrative, mais d’un véritable enjeu de crédibilité économique.

Une transparence accrue pour les entreprises suisses

La réforme du droit des sociétés, entrée en vigueur progressivement depuis 2023, a posé les bases d’une meilleure transparence interne et externe. Les PME doivent désormais tenir à jour plusieurs registres essentiels : celui des ayants droit économiques, celui des actions nominatives, et les procès-verbaux des décisions d’assemblée. Ces documents doivent être accessibles en cas de contrôle de la part des autorités fiscales, de l’administration cantonale ou d’un partenaire bancaire.

Les nouvelles exigences imposent aussi une publication plus rigoureuse des informations financières. Certaines entreprises doivent désormais déposer leurs comptes annuels de manière standardisée, afin de garantir une comparabilité accrue. Cette évolution rapproche la Suisse des normes européennes en matière de gouvernance et de reporting, sans toutefois imposer les mêmes contraintes que celles des sociétés cotées.

Les autorités fédérales encouragent cette démarche par souci de transparence économique, mais également pour renforcer la confiance des investisseurs et des institutions financières. Une entreprise capable de fournir des informations claires et à jour bénéficie d’une meilleure image, ce qui peut faciliter l’obtention d’un crédit PME en Suisse ou la négociation de conditions plus avantageuses auprès de sa banque.

Le registre des ayants droit économiques

L’un des piliers de la transparence repose sur l’obligation d’identifier les ayants droit économiques, c’est-à-dire les personnes physiques qui détiennent ou contrôlent au moins 25 % du capital ou des droits de vote d’une société. Cette exigence, déjà en place pour certaines entités, s’étend désormais à la majorité des structures juridiques suisses.

Les PME doivent tenir un registre actualisé indiquant le nom, l’adresse, la nationalité et la date de naissance des ayants droit, ainsi que la nature exacte de leur participation. Ce registre ne doit pas être rendu public, mais il doit être disponible à tout moment pour les autorités compétentes.

La mise en œuvre pratique de cette mesure suppose une organisation administrative plus rigoureuse. Les dirigeants doivent mettre à jour ces données à chaque transfert de parts, chaque augmentation de capital ou chaque changement d’actionnaire. Les statuts de la société doivent également préciser les modalités de communication interne de ces informations.

Cette obligation s’inscrit dans la continuité des efforts suisses pour lutter contre la criminalité économique et le blanchiment d’argent. Elle complète les contrôles déjà réalisés par les fiduciaires, les banques et les établissements de crédit. Pour les entreprises qui gèrent plusieurs entités juridiques, une consolidation centralisée des registres s’impose pour garantir la cohérence des données.

Transparence comptable et financière

La transparence ne se limite pas à l’actionnariat. Elle concerne aussi la gestion comptable et les flux financiers. Depuis la réforme du Code des obligations, toutes les sociétés doivent tenir une comptabilité conforme aux principes de régularité et de clarté. Cela implique l’enregistrement chronologique des écritures, la justification des transactions et la conservation des documents pendant au moins dix ans.

Les PME dépassant certains seuils – chiffre d’affaires, total du bilan ou effectif – doivent désormais présenter leurs comptes selon le référentiel Swiss GAAP RPC ou adopter des modèles de reporting simplifiés recommandés par l’Administration fédérale des contributions.

Ces obligations s’accompagnent d’un renforcement des contrôles, notamment pour les entreprises impliquées dans le commerce transfrontalier avec l’Union européenne. La conformité à la TVA transfrontalière Suisse-UE suppose de documenter les échanges de biens et de services, de fournir les justificatifs de transport et d’appliquer correctement les taux de taxe en fonction du pays de destination.

Pour les dirigeants de PME, ces mesures encouragent une meilleure structuration interne. Les outils de gestion intégrés, les logiciels comptables agréés Swissdec et les solutions cloud hébergées en Suisse permettent de centraliser les données et de garantir la traçabilité. Cela s’inscrit dans la logique de digitalisation déjà amorcée par l’automatisation administrative des processus.

Obligations en matière de gouvernance et de conformité

Les réformes introduisent également de nouvelles exigences liées à la gouvernance. Chaque entreprise doit démontrer la séparation claire des fonctions de direction, de contrôle et de décision. Le conseil d’administration ou la gérance doit documenter les décisions stratégiques et s’assurer qu’elles respectent les lois, les statuts et l’intérêt de la société.

Les administrateurs sont tenus à un devoir de diligence et de loyauté renforcé. En cas de manquement, leur responsabilité personnelle peut être engagée, y compris sur leur patrimoine privé. Cette évolution pousse les PME à adopter une gouvernance plus structurée, parfois inspirée des standards appliqués dans les grandes entreprises.

Certaines sociétés choisissent de formaliser ces principes dans un code de conduite interne. D’autres intègrent la conformité dans leurs règlements d’entreprise, notamment pour les questions de protection des données, de conflits d’intérêts et de respect des règles environnementales.

Les dirigeants doivent également s’assurer que leurs pratiques soient cohérentes avec les réglementations sectorielles, qu’il s’agisse de la santé, de la sécurité au travail ou de la responsabilité environnementale. Les entreprises suisses actives dans les services, la construction ou l’industrie doivent donc intégrer cette approche globale dans leur stratégie.

Transparence et protection des données personnelles

Depuis la mise à jour de la Loi fédérale sur la protection des données (LPD) en septembre 2023, les entreprises ont de nouvelles responsabilités quant à la gestion des données personnelles. En 2025, la période transitoire est terminée et les contrôles s’intensifient.

Les PME doivent désormais informer clairement leurs employés, clients et partenaires de la manière dont leurs données sont collectées, utilisées et conservées. Toute violation de la sécurité ou tout accès non autorisé peut donner lieu à des sanctions administratives, voire pénales.

Pour se conformer à la LPD, les entreprises doivent :

  • désigner un responsable de la protection des données,

  • établir un registre des traitements,

  • sécuriser les serveurs et systèmes informatiques,

  • informer rapidement les personnes concernées en cas de fuite ou d’incident.

L’hébergement local des informations, dans des infrastructures cloud en Suisse, devient un choix stratégique. Il assure la conformité aux normes nationales et rassure les clients quant à la confidentialité de leurs données. De plus en plus de PME optent pour des prestataires helvétiques afin d’éviter les transferts transfrontaliers risqués.

Lutte contre le blanchiment et obligations de diligence

Les entreprises suisses sont également soumises à la Loi sur le blanchiment d’argent (LBA). Bien que toutes les PME ne soient pas directement concernées, certaines activités (fiduciaires, intermédiaires financiers, sociétés de conseil) doivent appliquer des procédures strictes de vérification d’identité et de suivi des transactions.

Les établissements bancaires exigent désormais des informations détaillées sur la structure des sociétés clientes, leurs flux financiers et leurs bénéficiaires effectifs. Les PME doivent être prêtes à fournir des documents justificatifs clairs, sous peine de voir leurs comptes bloqués ou leurs transactions retardées.

Ces mesures peuvent sembler contraignantes, mais elles contribuent à sécuriser les relations avec les partenaires économiques. Dans un contexte où la réputation d’une entreprise est un capital précieux, la transparence devient un véritable atout concurrentiel.

Implications stratégiques pour les PME suisses

Ces nouvelles règles ne se limitent pas à des obligations légales. Elles traduisent une évolution plus profonde de la culture d’entreprise en Suisse. La transparence est désormais perçue comme une composante de la bonne gouvernance et un gage de durabilité économique.

Une PME qui applique ces principes renforce sa crédibilité auprès de ses clients, investisseurs et collaborateurs. Cette confiance favorise aussi les relations avec les autorités et les institutions financières. Les entreprises transparentes obtiennent plus facilement des financements, comme l’ont démontré celles ayant adopté des solutions de financement alternatif ou de leasing professionnel dans un cadre de conformité claire.

La transparence facilite également les transitions : lors d’une transmission d’entreprise, la clarté des comptes et la conformité juridique rassurent les repreneurs potentiels. De même, une gestion rigoureuse des données et des décisions améliore la valorisation de la société.

Les dirigeants doivent donc envisager la conformité non comme un coût, mais comme un investissement stratégique. La mise en place d’outils de suivi, de formations internes et de partenariats avec des experts juridiques ou fiduciaires devient essentielle pour maintenir cette dynamique sur le long terme.

En résumé

Les nouvelles obligations de transparence en Suisse imposent aux PME de revoir leur organisation interne, leur documentation financière et leurs processus administratifs. Elles couvrent des domaines variés : identification des actionnaires, reporting financier, gouvernance, protection des données et prévention du blanchiment.

Bien que ces exigences puissent sembler lourdes, elles constituent une opportunité de renforcer la crédibilité, d’améliorer la gestion interne et d’assurer la conformité face à un environnement réglementaire de plus en plus exigeant. Les PME qui s’adaptent dès maintenant seront mieux armées pour affronter les audits, attirer des investisseurs et maintenir la confiance de leurs partenaires commerciaux.

Sources :

  • Secrétariat d’État à l’économie (SECO), Guide des obligations de transparence pour les entreprises suisses (2024)

  • Office fédéral de la justice (OFJ), Révision du Code des obligations et gouvernance d’entreprise

  • KPMG Suisse, Corporate Transparency and Beneficial Ownership: Swiss Implementation Guide (2024)

  • Deloitte Suisse, Swiss SMEs and Compliance Challenges 2025

  • Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), Directives sur la LPD révisée 2023–2025

  • Banque Cantonale de Genève (BCGE), Pratiques de transparence financière et relations PME-banque (2024)

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