Réformes du droit des sociétés en Suisse : impact sur les PME

Le droit des sociétés suisses connaît depuis 2023 une refonte majeure qui continue de produire ses effets en 2025. Ces réformes modernisent la gouvernance, assouplissent les règles de capitalisation et renforcent les responsabilités des dirigeants. Les PME, colonne vertébrale de l’économie helvétique, sont directement concernées, qu’elles soient organisées sous forme de Sàrl, de SA ou de coopérative. Comprendre les nouvelles obligations, anticiper les impacts et adapter ses statuts devient une étape incontournable pour sécuriser sa structure et bénéficier des opportunités offertes par ce nouveau cadre juridique.

Un droit des sociétés plus souple et plus moderne

La principale innovation réside dans l’assouplissement des règles de capital-actions. Les entreprises peuvent désormais exprimer leur capital social dans une devise étrangère, ce qui simplifie la comptabilité des PME actives à l’international. De plus, la réforme introduit une marge de fluctuation du capital, un mécanisme qui autorise le conseil d’administration à augmenter ou diminuer le capital dans des limites fixées par les statuts, sans devoir convoquer une assemblée générale extraordinaire.

Cette évolution offre une plus grande flexibilité aux PME, notamment pour financer un projet ponctuel, intégrer un nouvel investisseur ou réorganiser la structure financière en période de croissance. Elle s’inscrit dans la continuité des nouveaux outils de financement comme le crowdlending pour les PME suisses, qui permet d’attirer des investisseurs privés sans dépendre uniquement des établissements bancaires.

Les dirigeants doivent toutefois encadrer strictement cette flexibilité : la marge de fluctuation ne peut dépasser 50 % du capital existant, et toute décision du conseil doit être documentée dans un procès-verbal conforme au Code des obligations.

Adapter ses statuts avant la date limite

Les entreprises disposent jusqu’au 1er janvier 2025 pour adapter leurs statuts au nouveau droit. Passé ce délai, les clauses contraires à la législation deviennent inapplicables. Cela ne signifie pas qu’une PME doit obligatoirement réécrire ses statuts, mais les structures souhaitant bénéficier des nouvelles options – capital variable, assemblées virtuelles ou clauses d’arbitrage – doivent impérativement les inscrire dans leurs documents officiels.

Certaines dispositions restent facultatives :

  • la possibilité d’organiser une assemblée générale en ligne,

  • la fixation d’une valeur nominale d’action inférieure à un centime,

  • ou encore la rédaction d’une clause d’arbitrage interne pour éviter un recours direct aux tribunaux.

Les dirigeants doivent donc faire un choix stratégique : conserver un modèle traditionnel, plus rigide mais stable, ou adopter les mécanismes modernes offrant davantage de souplesse. Pour de nombreuses entreprises familiales, la première option reste rassurante. À l’inverse, les start-ups ou PME exportatrices privilégient la flexibilité statutaire afin de faciliter les levées de fonds et la croissance.

Gouvernance et responsabilités accrues

Le renforcement des obligations de gouvernance est une autre avancée majeure. Le droit révisé impose une transparence accrue dans la gestion des assemblées, des décisions du conseil et des relations avec les actionnaires. Chaque décision stratégique doit être consignée dans un registre et accompagnée d’une justification documentée.

Cette évolution s’inscrit dans une logique de bonne gouvernance déjà encouragée par les pratiques de conformité. Les dirigeants doivent clarifier la répartition des rôles, adopter un règlement interne et s’assurer que les décisions sont prises dans l’intérêt de la société. La gouvernance adaptée aux PME suisses, fondée sur la clarté des responsabilités et la transparence financière, devient désormais un impératif légal.

Pour les entreprises familiales, cela représente parfois un changement culturel : les décisions informelles ou les accords verbaux ne suffisent plus. L’absence de traçabilité peut désormais engager la responsabilité personnelle des administrateurs, notamment en cas de gestion défaillante ou de faillite.

Les nouvelles règles en cas de difficultés financières

La réforme du droit des sociétés coïncide avec des ajustements dans la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite (LP). Depuis 2025, les créances de droit public – impôts, cotisations AVS, TVA – peuvent désormais être exécutées dans le cadre d’une faillite. Autrement dit, ces dettes bénéficient d’une priorité par rapport aux créanciers ordinaires.

Les PME doivent donc redoubler de prudence dans la gestion de leur trésorerie. Un simple retard de paiement des cotisations sociales ou fiscales peut entraîner des mesures d’exécution forcée plus rapides. Cette évolution renforce la nécessité d’une gestion des risques efficace, notamment pour les entreprises fragilisées par la conjoncture ou dépendantes d’un petit nombre de clients.

Une planification financière rigoureuse, associée à une communication transparente avec les partenaires financiers, devient un élément clé de survie. Une PME qui anticipe ses besoins de financement et documente sa situation financière a plus de chances d’obtenir des conditions favorables, que ce soit auprès d’une banque ou d’un investisseur privé.

Assemblées virtuelles et digitalisation des procédures

La possibilité d’organiser des assemblées générales virtuelles représente un changement majeur dans la culture d’entreprise suisse. Les PME peuvent désormais réunir leurs actionnaires via visioconférence, à condition que les statuts le prévoient et que l’identité des participants soit vérifiée.

Ce mode de fonctionnement réduit les coûts logistiques, facilite la participation des associés à distance et s’intègre dans le mouvement plus large de digitalisation administrative. Pour les PME suisses, l’adoption d’un système sécurisé d’authentification et d’archivage des procès-verbaux devient une priorité.

Cette modernisation se combine naturellement avec la mise en place de solutions cloud hébergées en Suisse, qui garantissent la confidentialité des documents d’entreprise et la conformité à la Loi fédérale sur la protection des données. Ces plateformes offrent un cadre sûr pour stocker les registres, les décisions d’assemblée et les informations financières.

Capitalisation et ouverture aux investisseurs

Grâce à la nouvelle marge de fluctuation du capital, les PME peuvent plus facilement procéder à des augmentations ponctuelles de capital sans démarches administratives lourdes. Cette innovation renforce l’attractivité du marché suisse des entreprises pour les investisseurs.

Les sociétés en croissance peuvent ainsi émettre de nouvelles actions à des partenaires stratégiques, financer une extension d’activité ou compenser des créanciers par des participations. Les règles d’émission, de souscription et de libération doivent toutefois être clairement prévues dans les statuts, sous peine de nullité.

Pour les entrepreneurs préparant une transmission d’entreprise en Suisse, ces nouvelles dispositions facilitent la transition entre générations ou associés, en permettant de céder progressivement des parts sans devoir modifier chaque fois la structure de capital.

Intégration des principes de conformité et de transparence

La réforme renforce également les exigences en matière de transparence financière. Les sociétés doivent tenir des registres à jour sur les ayants droit économiques et garantir la traçabilité des décisions. Les PME ne peuvent plus se contenter d’une comptabilité sommaire : les obligations de transparence deviennent une composante essentielle de la gestion d’entreprise.

Cette évolution rejoint les attentes croissantes des partenaires commerciaux et des institutions bancaires, qui exigent des documents fiables avant tout octroi de crédit. Les PME qui adoptent une gouvernance claire, un reporting financier précis et une politique de conformité documentée bénéficient d’un avantage concurrentiel notable.

De plus, cette discipline administrative contribue à réduire le risque de conflits internes, notamment entre associés. Les règles claires, les procès-verbaux détaillés et la documentation complète évitent les malentendus et facilitent les audits.

Vers une meilleure protection des dirigeants et des actionnaires

Le nouveau cadre juridique offre également une meilleure protection aux dirigeants qui agissent de bonne foi et dans l’intérêt de la société. Les responsabilités civiles et pénales sont précisées : un administrateur ne peut être tenu pour fautif que s’il a violé ses devoirs de diligence ou de loyauté.

Les PME peuvent renforcer cette sécurité en souscrivant une assurance responsabilité civile commerciale, qui couvre les risques liés à des décisions de gestion ou à des erreurs involontaires. Ce type de protection, autrefois réservé aux grandes entreprises, se démocratise désormais dans le tissu économique suisse.

Enjeux pour les PME en 2025

Les réformes du droit des sociétés transforment profondément la manière dont les PME doivent s’organiser. Elles ne se limitent pas à des ajustements juridiques : elles imposent une réflexion sur la gouvernance, la transparence et la gestion financière.

Une PME bien préparée doit :

  • vérifier la conformité de ses statuts avant la fin de 2025,

  • intégrer les nouveaux mécanismes de capitalisation,

  • former ses dirigeants à la documentation légale,

  • adopter des outils numériques sécurisés pour la gestion administrative,

  • et anticiper les impacts fiscaux et sociaux des réformes.

L’entreprise qui combine rigueur juridique et agilité opérationnelle sera mieux armée pour évoluer dans un environnement économique où la confiance et la conformité deviennent des leviers de performance.

Sources :

  • Secrétariat d’État à l’économie (SECO), Réforme du droit des sociétés en Suisse – Guide pratique 2024

  • Legal 12 Tables Avocats, Obligations statutaires et nouveau droit des SA

  • KPMG Suisse, Corporate Law Reform: Key Takeaways for SMEs (2024)

  • Deloitte Suisse, M&A and SME Growth under the New Corporate Law

  • UNEQ Avocats, Loi fédérale sur la poursuite et faillite : priorités des créances publiques 2025

  • Office fédéral de la justice (OFJ), Révision du Code des obligations – mise en œuvre 2023-2025

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